En préparant cet article, je me suis amusée à faire une recherche Google avec le mot clé « poitrine généreuse ». La première page de résultats est entièrement dédiée à du contenu pornographique…Cela en dit long sur comment est catégorisé cet attribut féminin. J’ai eu envie de faire cet article suite au visionnage d’un reportage Arte qui s’intitule « Seins opulents : vivre avec une poitrine encombrante » de Kristen Vermilyea. J’ai aussi eu envie d’apporter ma pierre à cette réflexion de comment vivre avec une poitrine généreuse.
Histoire de seins
Les seins font partis de ce que nous appelons les « attributs sexuels secondaires« . Ils permettent de distinguer les individus des deux sexes d’une même espèce – à la différence des attributs sexuels primaires qui sont les organes sexuels, ils ne participent pas directement au système reproducteur. Cette différence va se constituer au moment de la puberté chez l’être humain avec l’augmentation des hormones sexuelles.
Les seins féminins ont toujours fait beaucoup parler. Dans les sociétés polythéistes, les cultures pré-chrétiennes et pré-musulmanes d’Afrique, d’Amérique du Nord, d’Australie et d’Océanie considéraient la nudité de la poitrine comme normale et acceptable – jusqu’à l’arrivée des missionnaires chrétiens. Aujourd’hui, cela reste le cas dans de nombreuses cultures.
Dans les sociétés occidentales et plus spécifiquement européennes, entre la Renaissance et le XIXème sicle, les seins exposés étaient mieux acceptés qu’aujourd’hui. Rappelons-nous que la nudité des jambes, des chevilles ou des épaules était considérée comme plus osée que celle des seins. D’ailleurs, dans l’aristocratie et la haute société, exposer ses seins était vu comme une marque de prestige, une mise en valeur de sa beauté, sa richesse et de sa position sociale. La Renaissance a opéré aussi un retour sur le nu héroïque tel qu’il s’affichait dans les Arts de la Grèce Antique. Avoir les seins nus étaient donc un rappel des sculptures dénudées antiques.
S’en suit alors plusieurs mouvements d’aller-retours entre dissimulation et exposition de la poitrine féminine. Au 21ème siècle, même si nos « standards occidentaux » laissent entendre que les femmes disposent de la liberté d’exposer d’elle-même, cela est contingent du contexte social. En fonction du contexte, la présence d’un décolleté ou d’un haut moulant laissant entrapercevoir la poitrine est considérée comme une « exposition sexualisée du sein féminin ».
Jean-Claude Kaufmann, sociologue français, dans son livre Corps de femmes, regards d’hommes analyse les rapports humains sur les plages et écrit que l’attitude des femmes peut être très influencée par le regard que les hommes portent sur les seins nus. En parallèle, certaines femmes peuvent témoigner que les critiques des autres femmes (habillées) peuvent être beaucoup plus méprisantes que ceux des hommes.
L’hypocrisie de notre société
En balayant très rapidement l’Histoire, nous nous rendons compte que le corps de la femme déchaîne les passions. Même si nous partageons certains points anatomiques, une pression est exercée sur le corps de la femme : les hommes aussi ont des tétons, comme les femmes, pourquoi est-il moins gênant d’exposer un téton masculin que féminin alors ? Même que certains hommes possèdent de « réels » seins, que ce soit lié à une prise de poids qu’un dérèglement hormonal, ils peuvent se mettre torse nu sans aucun problème, non plus.
Le corps de la femme va toujours être davantage érotisé, sexualisé. Dans l’Art d’abord : les femmes sont plus représentées nues que les hommes – que ça soit dans les arts « classiques » (peintures, sculptures, etc.), que les « arts modernes » (photographie, cinéma, etc.). Finalement, notre inconscient collectif est habitué à l’érotisation du corps féminin et à contrario, est pauvre en représentation érotique masculine. Nous pouvons nous interroger sur le pourquoi ?
Une femme qui met un décolleté peut se retrouver affabuler des étiquettes « sexy », « fille facile », « pas sérieuse » et en parallèle, une femme qui s’habille plus sobrement peut être qualifiée de « vierge effarouchée », « coincée », « mal baisée », etc. Quoique nous choisissions, notre apparence est soumise à appréciation et jugement. Comment s’y retrouver et ne pas devenir folle ?
Aussi, de nos jours, avec les réseaux sociaux, une hypocrisie gigantesque s’opère. Une censure massive s’observe sur les plateformes appartenant au groupe Facebook – et notamment sur Instagram où des nus artistiques – parfois même sans montrer le téton (car le téton semble obscène pour notre société) sont censurés. Alors qu’à l’inverse, des contenus incitants à la haine, à la violence, à la (pedo)pornographie ne le sont pas.
En parallèle, c’est via la sexualisation, voire l’hyper-sexualisation que notre société capitaliste fait vendre. Le nombre de publicités sexistes qui objectifient le corps de la femme ne se compte plus. Pour réaliser l’ampleur du problème, vous pouvez vous rendre sur le compte de Pépite Sexiste.
Vivre avec une poitrine généreuse
Vivre avec une poitrine généreuse est encore une autre histoire. La poitrine chez les femmes attire « naturellement », dirons-nous mais plus celle-ci est volumineuse, plus elle va prendre de la place dans tous les sens du terme. Elle va prendre de la place dans notre vie au quotidien et dans notre tête. Moi aussi, j’ai envie de dormir sur le ventre, moi aussi, j’ai envie de faire des activités physiques sans sentir mes seins être secoués dans tous les sens…
L’habillement
Personnellement, j’ai commencé à avoir des seins plus développés dès l’adolescence et je ne pouvais pas porter la même lingerie que mes camarades au collège ou lycée. J’étais obligée d’aller dans les magasins spécialisés et d’acheter des modèles, certes à ma taille, mais qui étaient tout de suite plus dans le « sexy », la « séduction » car souvent plus transparents, agrémentés de dentelle, etc. Certes, ce sont de jolies créations mais ado, nous n’avons pas forcément envie de porter ce type de sous-vêtements (en tout cas, à mon époque !). En effet, c’est déjà toute une histoire de regarder son corps changer, de nous y habituer, d’oser le regarder, se l’approprier et créer sa nouvelle identité en tant qu’adolescente, presque jeune femme…si en plus, nous devons ajouter la case séduction, nous pouvons nous y perdre. Comme j’en faisais part dans mon podcast psycho, c’est cette effraction du sexuel qui peut amener des perturbations. Lorsque l’aspect génital arrive avant que le psychisme ne soit prêt.
Aujourd’hui, il est possible de trouver des marques de lingerie qui habillent les poitrines généreuses mais encore beaucoup de femmes se retrouvent dans des situations inconfortables dans des magasins de lingerie où des vendeuses les font se sentir « grosses », « anormales » et que finalement, elles ne trouveront pas de quoi les habiller (bonjour le body shamming…). Niveau estime de soi et confiance en soi, nous repasserons. Et, il peut en être de même pour les vêtements.
Le regard des autres
Avec une poitrine généreuse, opulente, les regards vont davantage être tournés vers vous – que vous le vouliez ou non. Même dissimulés sous des vêtements larges, les « gros seins » se remarquent. Les regards sont sur vous ou plutôt vos seins. Certaines personnes peuvent clairement vous dévisager ou plutôt dévisager vos seins. Cela m’est à nouveau arrivé pas plus tard qu’hier dans la rue – j’ai trouvé ce regard vraiment malaisant et « dégueulasse », finalement, je ne suis pas une personne, je suis un bout de viande.
Dès l’adolescence, vos pairs peuvent vous faire des réflexions – tant garçons que filles. Les mots utilisés recouvrent à la fois le registre du dénigrement (on se moque de vous, on pointe votre différence), de l’envie (certaines jeunes filles qui peuvent éprouver de l’envie ou de la jalousie face à une poitrine plus généreuse que la leur), du sexuel. Parfois, des gestes vont se joindre à la parole. Combien de femmes aux poitrines généreuses se sont fait « peloter » sans leur permission parce qu’elles possèdent une poitrine « hors norme ».
Son propre regard
Ce qui va être évidemment déterminant est notre propre regard pour pouvoir vivre avec une poitrine généreuse. Supporter le regard des autres est une chose mais si nous ne nous aimons pas, la situation sera d’autant plus difficile. Toute transformation physique – dont celle de l’adolescence, demande un temps d’acceptation. Nous faisons le deuil d’un corps antérieur pour un corps dans l’ici et maintenant. Ce passage peut être plus ou moins douloureux en fonction de notre expérience de vie.
Avoir une forte poitrine demande aussi de faire ce pas : s’approprier cette partie de moi et j’insiste sur le mot « partie ». En effet, les seins sont une partie de mon corps, ce n’est pas mon corps. Souvent, l’identité des femmes à poitrines généreuses se résument à cet attribut : ce sont les « filles » à gros seins, à boobs, etc. Il n’est pas étonnant quand j’ai fait ma recherche Google que je sois tombée sur des sites pornographiques : « gros seins » constitue une catégorie à part entière dans le pléthore de mots clés du sexe online.
Nous avons une poitrine généreuse, nous ne sommes pas une poitrine généreuse. La subtilité est de mise. Après, la question va se situer dans : qu’est-ce que je fais de cet attribut ? Est-ce que j’en joue ? Est-ce que je le mets en valeur ? Ou bien, je l’accepte mais je ne le mets pas en avant car il se voit bien suffisamment ?
Personnellement, c’est la danse qui m’a permis de libérer mon corps, puis la photo, qui a enrichi le regard que j’avais sur moi, je joue de cette poitrine. Je peux la mettre en scène, finalement l’objectaliser à ma manière – mais c’est moi qui le décide. J’aime me dire que j’ai crée mon art à travers les photos dénudée que je partage. Photos dans lesquelles je souhaite allier la beauté d’un corps en dehors des diktats de notre société, la nudité partielle et l’érotisme.
Par contre, le revers de la médaille est qu’une fille à gros seins peut être vite perçue comme une cruche, une fille facile, etc. Effectivement, ce n’est pas avec les références de notre pop culture, qui sont maintenant devenues celle de la télé-réalité, que notre histoire va s’arranger. Ces « icônes » de notre culture moderne et online viennent coller une étiquette déjà présente sur les fille avec une certaine plastique. Comme si nos seins nous empêchaient d’avoir un cerveau : en fait, notre cerveau s’est divisé et est venu remplir nos seins…
En amour
Dans les relations intimes, la question de vivre avec une poitrine généreuse se pose. Dans les rencontres, certains hommes vont être attirés esthétiquement par les poitrines généreuses – une partie plus « archaïque » et inconsciente de notre psyche oriente le désir sur des attributs sexuels secondaires « généreux » car supposés plus à même à se reproduire. D’autres vont considérer nos « gros seins » comme un défi, un boost d’égo : je suis sorti, j’ai couché avec une femme à poitrine généreuse. Ils ne vont retenir que ça.
Il y a aussi bon nombre de préjugés sur les femmes à fortes poitrines : elles seraient plus « faciles » au lit, plus « cochonnes »…J’ai envie de mettre un stop géant ! Mesdames, si vous n’avez pas envie de faire telle ou telle pratique, vous avez le droit de dire non. Et si l’homme en question n’entend pas votre non, ce n’est pas vous le problème, c’est lui ! Soyez toujours à l’écoute de vous-mêmes et si vous sentez qu’une situation n’est pas juste pour vous, honorez-vous et posez vos limites.
En résumé, vivre avec une poitrine généreuse est tout à fait possible – et cela peut même être génial. Néanmoins, cela demande d’être un peu armée pour se préserver et soutenir son identité.
Autres articles bien-être :